Le terme channa ou chan (souvent translitéré Tch’an en français) vient du sanskrit dhyana qui signifie contemplation. Ce courant bouddhiste arrivé en Chine au Vie siècle se sinisa au contact du Taoïsme pour devenir une tradition contemplative purement chinoise. Appelé aussi l’Ecole de l’Esprit, le Chan inspira une peinture spirituelle monochrome à laquelle s’adonnèrent moines et lettrés.
Ce mouvement ne se constitua jamais en école et ne peut se caractériser par un style spécifique mais devint une source d’inspiration picturale et spirituelle qui se perpétua jusqu’à nos jours. Utilisant les techniques du shanshui (montagnes et eaux) de la peinture de paysage des lettrés, cette dernière est restée plus culturelle – intellectuelle – tandis que la peinture d’inspiration chan est plus intuitive et contemplative.
La peinture dite Chan Elle se caractérise par une fulgurante simplicité, une rapidité d’exécution, une économie de coups de pinceaux et la puissance d’un trait sans retouche : le peintre ne cherche pas à reproduire la nature mais à suggérer la force, la fragilité et l’énergie du vivant, en accordant une place prépondérante à l’espace vierge qui évoque la vacuité bouddhiste. En ce sens, elle n’est plus ”chinoise” ni ”japonaise” mais transculturelle et donc universelle.
Par son regard au-delà de la forme, le peintre tente de saisir et de restituer l’essence et le frémissement de la vie qui n’est jamais dénuée d’une étincelle de folie et d’humour comme dans les Poissons parmi les rochers de Chu Ta (1626-1705) : ”Dans cette vision idyllique et sous-marine – à moins, se demande François Cheng, qu’ils ne volent tout simplement dans les airs ce qui serait bien dans la manière de Chu Ta, grand inverseur des règnes terrestres – se révèle tout l’esprit du Chan”(1)
La peinture spirituelle de paysage est donc un état d’être ; elle n’est pas une peinture à thème religieux ou historique, si chan soit-il, et n’a pas pour but d’évoquer des sentiments ou de transmettre des impressions subjectives. Elle n’est pas non plus un art sacré comme l’icône ou l’art hiératique qui sont des reproductions et des transmissions fidèles de prototypes. Cet art ne peut être appelé ‘’chan’’ que lorsqu’il n’est plus une fin en soi mais l’actualisation ou la réalisation d’une intuition contemplative, lorsqu’il court-circuite l’emprise du mental ou l’affirmation narcissique qui se dissolvent dans le calme serein du vide. En d’autres termes, lorsqu’elle véhicule un sens chan qui n’est ni conceptuel ni intellectuel mais qui est ce que l’on nomme l’esprit chan, le zen mind d’Alan Watts, sans artifice ni fabrication mentale, ce qui rend cette peinture unique et inédite dans l’histoire de l’art.
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(1) – Cheng F : Chuta, le génie du trait, Phebus
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